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Entreprise Libérée | Témoignage de Jean de Limé, accompagnateur en transformation individuelle et collective

Quand il a commencé à travailler, Jean ne s’est pas senti à sa place dans les organisations telles qu’elles existent. Au fur et à mesure, il leur a trouvé de plus en plus de dysfonctionnements.

Sa quête personnelle a consisté à trouver un type d’organisation dans lequel il pourrait se sentir épanoui. En découvrant le travail de Frédéric Laloux sur les nouvelles organisations, il a commencé à en faire sa mission : transformer les entreprises pour qu’elles ne contiennent pas les dysfonctionnements qu’il a observés.

En 2014, Jean rejoint les deux bouts : il crée son propre cabinet -Marpa Accompagnement. Cela lui permet de ne pas travailler dans une organisation qui ne lui correspond pas, et lui permet de contribuer à transformer les entreprises.

Entreprise Libérée : la définition de Jean

« L’entreprise libérée c’est de se dire « On a un problème, il faut qu’on change. » Ce n’est pas le dirigeant qui doit penser la transformation, mais le collectif qui doit se demander : Comment l’organisation peut fonctionner différemment ? Qu’est-ce qui est bon pour l’organisation en tant qu’organisme vivant ? Dans quelle direction elle a envie d’aller ? Comment créer une atmosphère d’écoute, de partage où chacun puisse trouver sa place ? Les réponses vont se traduire par des choses différentes dans chaque entreprise. »

En réalité, Jean n’aime pas le terme « Entreprise Libérée » :

« Michel Sarrat (un dirigeant d’entreprise libérée) a cette image que je trouve très parlante : Nelson Mandela a appelé son autobiographie « Un long chemin vers la liberté ». C’est un chemin, pas un côté on/off.

« Le terme “entreprise libérée” est devenu très marketing. On ne sait pas bien ce que ça veut dire. Qui est là pour juger qui est libéré et qui ne l’est pas ?

« C’est un sujet qui ne m’intéresse pas tellement car j’ai envie d’accompagner des transformations, peu importe comment elles s’appellent. On se rend compte que ça crispe : il y a les « pour » et les « anti ». Ce qui m’intéresse, c’est l’expérience que j’ai sur le terrain avec mes clients. »

Jean parle donc de “transformation” plutôt que de “libération”.

L’entreprise non libérée : une entreprise pleine de dysfonctionnements

Au cours de sa vie professionnelle, Jean remarque des “dysfonctionnements” dans les entreprises “classiques” (non “libérées”).

Les organisations telles qu’elles existent ne lui correspondent pas

Après ses études, Jean ne sait pas vraiment quoi faire. Il commence à travailler dans le secteur de la finance, puis dans un cabinet de conseil. Mais ça ne lui correspond pas. Il sent que les organisations telles qu’elles existent ne lui correspondent pas et se questionne :

« Est-ce que c’est moi qui ne suis pas adapté au système ou est-ce que c’est le système qui devrait s’adapter ? »

Il se met alors à consulter plusieurs ressources pour comprendre en quoi les organisations ne fonctionnent pas bien :

Dysfonctionnement d’entreprise #1 : Pas de rêve pour se lever le matin

« Le rapport de l’Organisation Internationale du Travail montre en quoi les organisations se retrouvent aujourd’hui dans des problématiques de gestion et plus de vision. Les organisations ne savent plus pourquoi elles se lèvent le matin.

« Un exemple de ça, ce sont les startups. Elles sont financiarisées très vite et ça biaise leur vision car elles se concentrent sur des objectifs court terme. »

Jean expérience lui-même le manque de vision alors qu’il est Directeur des Opérations chez Ouicar en 2013 / 2014 :

« Ca ne me convenait pas sur ce qu’on faisait : pas de vision, pas de rêve. J’ai besoin d’un rêve pour me lever le matin… »

Dysfonctionnement d’entreprise #2 : C’est le patron qui prend les décisions

Pendant cette même expérience, Jean fait un deuxième constat :

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu :  En Remote chez Oscaro | Témoignage de Florian Strzelecki

« Ce que j’ai découvert dans l’entrepreneuriat c’est que le fondateur/associé d’une boîte a souvent du mal à déléguer, faire confiance. Il se retrouve à prendre beaucoup de décisions. Ce n’est pas tout le monde mais, globalement, les gens sont élevés dans la vision « C’est le patron qui décide et les gens qui exécutent ».

« Je ne me retrouvais pas là-dedans car je n’étais pas intéressé par juste de l’exécution. Je vais être provocateur mais c’est un peu une insulte à l’intelligence des gens. Il y avait quatre niveaux de hiérarchie pour une décision que je voulais prendre. Je me suis dit qu’il y avait un problème. »

Dysfonctionnement d’organisation #3 : L’absence des émotions

« Chez Ouicar, c’était clair qu’en arrivant au boulot, tu laissais tes problèmes devant la porte. Il y avait cette peur qu’on touche aux choses personnelles, l’émotion, le ressenti. L’émotion est complètement absente des organisations.

« Il faut apprendre aux gens à exprimer leurs émotions. La vraie révolution culturelle c’est l’émotion. Nos parents trouveraient ça bizarre pour l’entreprise. Mais si tu mets des gens dans une pièce pour prendre une décision et qu’ils ne peuvent pas exprimer leur ressenti, il y a quelque chose qui marche pas, qui est twisté. »

Dysfonctionnement d’organisation #4 : La souffrance au travail

En plus de ses expériences personnelles au travail, Jean commence à s’intéresser à la souffrance au travail qu’il observe autour de lui, et notamment au burn-out :

« J’ai vu beaucoup de gens complètement détruits à vie. J’ai été profondément touché. Je n’arrive pas à comprendre qu’on puisse souffrir de son travail, voire se suicider.

« Ca me questionne beaucoup : qu’est-ce qu’on a envie d’être ensemble dans une entreprise ? On voit qu’il y a beaucoup de gens qui se lèvent le matin sans plaisir pour aller au travail, voire qui arrivent à être dans des conditions qui sont vraiment très problématiques.

« Je suis assez bluffé par l’emprise psychologique qu’a ce système sur les gens : ils finissent par l’accepter ; ils ne savent pas dire non à l’inacceptable. C’est un phénomène qui est très récent. Le système de la gestion a créé cette pression sur les gens : ils ne font pas assez, c’est la compétition, il faut être toujours plus efficace, plus productif. Ca mène le système à sa déroute et à des dégâts humains très impressionnants.

« Ce n’est pas une question de génération Y mais de moment de l’Histoire où on a un problème avec la façon dont les organisations sont gérées. Il n’y a pas une catégorie plus impactée par le burn out que d’autres. C’est toujours impressionnant de voir quelqu’un de 25 ans faire un burn-out. »

La quête de Jean pour trouver un travail et un type d’organisation qui font sens pour lui

Voici un tableau qui résume le cheminement de Jean pour en arriver où il en est aujourd’hui, pour trouver un travail et un type d’organisation qui font sens pour lui.

 

Durée Quoi En quête de quoi Problème Solution
6 mois Finance Un boulot Ca ne l’intéresse pas Changer de secteur
3 ans Conseil Un boulot qui lui corresponde mieux que la finance Personne n’arrivera à le manager Entrepreneuriat
1 an Startup in vitro Expérimenter d’être son propre patron N’est pas un entrepreneur dans l’âme Retourner en entreprise, avec une vision
1,5 ans Directeur des Opérations chez Ouicar

+ Découverte du travail de Frédéric Laloux

Etre dans un collectif qui a la vision d’un monde plus “collaboratif” -Pas de rêve pour se lever le matin

-Beaucoup de niveaux de hiérarchie pour une décision

Intégrer une boîte qui avait envie d’évoluer
1 an 50 Partners Pouvoir contribuer à transformer une entreprise Ni l’incubateur ni les boîtes n’étaient réellement intéressées par ce type de transformation organisationnelle Créer son propr cabinet d’accompagnement
Depuis 2014 Marpa Accompagnement Accompagner la transformation individuelle et collective

 

Conseil

Après une prépa HEC et un stage en finance, Jean travaille dans le conseil. Après trois ans dans le conseil et une mission chez Casino, il en vient à la conclusion suivante :

« Personne n’arrivera à me manager. Il faudrait que je devienne mon propre patron. »

Startup au sein d’In Vitro HEC

Pour débuter dans l’entrepreneuriat, il participe au programme Startup In Vitro d’HEC : des entrepreneurs et “business developers” sont mis en contact avec des gens de laboratoires de recherche ou qui ont breveté une innovation.

Pendant un an, il co-fonde une startup avec quelqu’un qui avait breveté une technologie innovante de déshydratation.

Pendant cette expérience, Jean se demande si l’entrepreneuriat est vraiment fait pour lui. Il réalise qu’il n’est pas vraiment entrepreneur dans l’âme : « Si j’avais trouvé une organisation, je ne me serais pas lancé dans l’entrepreneuriat. »

OuiCar

Jean arrête le projet de startup et retourne travailler pour une entreprise qui a une vision qu’il partage. Il devient Directeur des Opérations chez Ouicar : « On avait le rêve de la consommation collaborative, comme OuiShare. »

Mais il fait l’expérience des dysfonctionnements #1, #2, et #3 : « On a décidé que c’était mieux que je quitte cette aventure là. »

En parallèle de cette expérience, Jean découvre le travail de Frédéric Laloux, l’auteur du livre Reinventing Organizations. Frédéric Laloux s’intéresse aux nouvelles formes d’organisation d’entreprise, et notamment des formes comme l’entreprise libérée, que lui nomme “Opale”.

Quand Jean découvre son travail, il se dit qu’il y a peut-être quelque chose d’autre, des entreprises qui fonctionnent différemment, et donc une solution aux dysfonctionnements qu’il a observés :

En 2016, Jean et Frédéric Laloux co-organisent une conférence de 900 personnes.

50 Partners

« Suite à la lecture du livre de Laloux, je savais que c’était ça que j’avais envie de faire mais je savais pas quelle forme ça prendrait. J’avais trois directions possibles :

 

  • Retourner dans le conseil, mais je n’avais pas envie de faire du conseil “Powerpoint/Excel” ;
  • Intégrer une boîte qui avait envie d’évoluer ;
  • Reprendre une aventure entrepreneuriale, mais pas seul. »

 

Jean choisit la deuxième option et rejoint l’incubateur 50 Partners.

« Mais ce type de transformation organisationnelle n’intéressait personne, ni dans l’incubateur, ni dans les boîtes.

« C’était une approche très « On scale ». A l’époque, les startups c’était le truc bien à faire, c’était bien vu socialement. Et “serial entrepreneur”, c’était encore plus la mode. Mais ça veut dire quoi créer un projet pour cinq ans ? Se pose la question de ce qu’est un entrepreneur. »

Marpa Accompagnement : accompagner la transformation des individus et collectifs pour limiter les dysfonctionnements en entreprise

En 2014, Jean crée Marpa Accompagnement, un cabinet de conseil qui accompagne la transformation des individus et des organisations.

La mission de Marpa Accompagnement

Avec cette entreprise, Jean veut contribuer à créer des organisations où :

  1. Les travailleurs ne souffrent pas
  2. Les travailleurs ont une liberté de parole : pouvoir exprimer pleinement ses doutes, questionnements, émotions
  3. On a une vision de ce qu’on a envie d’être ensemble
  4. La raison d’être individuelle peut prendre place dans la raison d’être de l’organisation : comment on fait pour que chacun arrive à se mettre au service de la raison d’être.

Il voit ces transformations comme un chemin, plutôt que comme une destination finale (comme le suggère un peu l’expression “Entreprise Libérée”, qui est un état) :

« C’est un chemin qui est long. On est en chemin tant qu’on n’est pas mort (et encore, ça dépend des croyances). Le chemin d’une organisation, c’est ça. Une organisation s’adapte tout le temps. On ne peut pas “arriver quelque part”. Il va y avoir des crises, des envies du collectif… »

Un cheminement personnel avant de pouvoir accompagner la transformation

« Personnellement, j’avais un cheminement spirituel à faire. Ca m’a amené à pratiquer la méditation au quotidien. Avant, j’avais cette idée qu’il y avait la vie professionnelle d’un côté, et un cheminement spirituel de l’autre. Maintenant je me rends compte que c’est devenu très lié.

« Frédéric Laloux parle « d’impérieuse nécessité » vis-à-vis du cheminement personnel qui est en jeu quand on veut transformer les organisations. La vidéo de Michel Sarrat (dirigeant de GT Location), issue de la conférence avec Frédéric Laloux montre son cheminement personnel, voire spirituel. Même s’il y a l’envie, ça demande une remise en cause de beaucoup de croyances : quel est mon rôle de patron ? Qu’est-ce que mes équipes sont capables de faire ou pas ? »

Jean travaille avec des PME pour avoir le plus d’impact possible

« C’est plus facile de bouger une PME qu’une grande boîte. Si le mec tout en haut de la pyramide n’a pas envie que ça bouge, ça ne bougera pas. Dans les PME, les dirigeants sont aussi souvent actionnaires. Ca permet de s’assurer a minima des intentions. Un dirigeant de grande boîte est souvent plus au service des actionnaires que de la boîte. »

Comment Jean trouve des dirigeants qui ont envie de changer

« Frédéric Laloux dit : « Il faut que les dirigeants et les actionnaires aient envie d’y aller » . Ceux que je rencontre ont vu la conférence, ont lu le bouquin, ils se disent « Peut-être que la façon dont je manage n’est pas celle que j’ai envie d’avoir ». Il y en a qui se disent : mes salariés gèrent un budget avec leur famille, ils sont présidents d’association, ils mettent en oeuvre leur intelligence. Et quand ils viennent dans l’entreprise on leur demande juste d’effectuer des tâches, sans aucune prise d’initiative possible. Généralement, l’envie de travailler avec moi vient d’un ras-le-bol : « Je ne peux plus manager comme ça ».

Que penses-tu des livres qui ont été écrit sur l’entreprise libérée ?

“Quand tu vas lire Liberté & Cie d’Isaac Getz ou Reinventing Organizations de Frédéric Laloux, ce qui ressort, c’est leur vision du monde. Ca leur appartient, c’est ce qu’ils ont vu en visitant des entreprises. Toi et moi, en visitant ces entreprises, on ne verrait pas les mêmes choses.

« Isaac Getz insiste sur la question de « libérer » : les gens peuvent prendre toutes les décisions qu’ils veulent si tant est que c’est bon pour l’entreprise. Le point fort : c’est axé sur le leader libérateur et des équipes qui prennent leurs décisions.

« Alors que Frédéric Laloux pose la question de « l’entreprise comme une organisation vivante ». Il y a une dimension plus spirituelle, un cheminement personnel. Cela parle de son propre cheminement sur cette dimension à mon sens.

« Il y a du commun entre les deux livres mais c’est très différent. »

Pour terminer, que dirais-tu à des personnes en quête de sens dans leur travail ?

“On ne passe pas d’un jour à l’autre à un truc différent. “C’est ça qui m’appelle” permet de cheminer. On est très piégés par ça. Même moi qui me pose des questions, j’ai eu du mal à faire mon chemin. J’imaginais, avec le bilan de compétences, que j’allais savoir quoi faire. Cheminer, c’est planter les graines et un jour on voit le fil rouge. « On ne donne pas du sens à la vie, c’est la vie qui fait sens »

Tout te pousse à ne pas sortir de ta case. L’inspiration va venir de gens qui ont suivi leur aspiration et pas « qui ont fait un truc qui a du sens ». Ils se lèvent le matin et sont contents de faire ce qu’ils font. Il faut te libérer de l’image de toi-même. Le job de tes rêves, je suis sûr que tu ne sais pas encore qu’il existe.”

“Attention, il n’y a pas les jobs avec du sens et ceux sans sens. Ca met une nouvelle pression car “il faut avoir du sens dans une entreprise libérée”. Le sens, c’est « Pourquoi je suis sur cette Terre/pourquoi tu te lèves le matin. Autrement dit, qu’est-ce qui manquerait au monde si tu n’existais pas ».”

 

Est-ce que le témoignage et l’histoire de Jean te parlent ? Que penses-tu de l’entreprise libérée ? Partage-le dans les commentaires. 🙂

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2 réflexions au sujet de « Entreprise Libérée | Témoignage de Jean de Limé, accompagnateur en transformation individuelle et collective »

  1. « qu’est-ce qui manquerait au monde si tu n’existais pas » : Question à laquelle il n’est pas si aisé de répondre mais qui permet à chacun de redonner un sens à sa vie, et donc sa vie professionnelle. On se pose cette question, à mon avis, lorsque l’on a entrepris un travail sur soi.
    Je trouve très intéressante (humaniste) la démarche de ce monsieur. Plus on aura d’initiatives en ce sens, mieux le monde se portera !

    1. Bonjour Monique, merci pour ton commentaire. Je pense effectivement que cette question peut être intéressante pour re-questionner un projet en cours, affiner sa valeur ajoutée. Mais un peu dangereuse quand on commence car « pressionnante » de par sa formulation. Ce qui est moins le cas de sa formulation inverse proposée par l’ikigaï : qu’ai-je envie d’apporter au monde. 🙂

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