Je n’aurais pas parié sur Oscaro -une entreprise de pièces automobiles- pour employer des salariés en remote, mais Florian m’a surprise avec cette information lors de notre entretien !
Florian Strzelecki (prononcer “cheleski”) travaille chez Oscaro depuis 2014 comme “ingénieur backend” (pour les novices, comprendre : un métier proche du développement web). A 31 ans, il se réjouit de son mode de vie de salarié remote, qui lui permet de vivre dans la même ville que sa compagne et de travailler chez lui.
Si tu ne sais pas ce qu’est le “remote”, je t’invite à lire la définition du remote.
Après 9 ans comme développeur web dans les locaux de plusieurs entreprises, Florian devient ingénieur backend à distance en 2014
Bien qu’il n’ait pas passé le diplôme d’ingénieur en informatique, Florian a occupé des postes équivalents à ce niveau. Pendant neuf ans, il a surtout réalisé des missions comme Développeur, principalement de sites web (on peut être développeur d’autres choses, comme des logiciels, des services cloud, ou des applications mobiles). En parallèle, il a aussi été conférencier bénévole sur des sujets techniques, de une à dix fois par an.
Les trois postes occupés de 2006 à 2010 étaient des CDI et Florian travaillait à l’époque dans les locaux des entreprises, à Paris.
2010 : Florian suit sa compagne à Rennes et devient intérimaire dans une société de services
Pour pouvoir emménager avec sa compagne, Florian déménage de Paris à Rennes en 2010.
Il se met en quête de trouver un boulot, et devient intérimaire pour une société de services qui lui propose des missions présentant peu d’intérêt à ses yeux à l’époque. Mais ce boulot lui donne le temps de voir ce qui se passe à Rennes, tout en ayant déjà un salaire à la fin du mois.
Octobre 2011 : Florian démissionne et profite de six mois de chômage pour explorer l’écosystème rennais
Au bout de 6 mois, Florian en a marre de son statut d’intérimaire. “J’avais un statut bâtard d’intérimaire pour société de services qui me vend à un client. Je ne me sentais pas attaché, c’était vraiment pour tâter le terrain”, me dit Florian. Il décide donc d’arrêter et touche son allocation chômage pendant six mois.
Il passe les six mois suivants à se reposer et explorer l’écosystème rennais. Il découvre notamment la Cantine Numérique (devenue FrencTech-Rennes en mars 2015). Cette “cantine” était un lieu d’expérimentation qui promouvait la culture technique et entrepreneuriale. A la fois un lieu de coworking, un espace d’échange, d’accueil de conférences, de Meetup.
Avril 2012 : Florian entre chez une société de vidéo en streaming
En 2012, Florian reçoit une offre d’emploi pour une société de vidéo streaming (VOD et Live), mais démissionne au bout de deux ans, en mai 2014. “J’y ai bossé deux ans, mais la boîte a grossi très vite. On faisait quelque chose de très artisanal mais avec des processus de boîte de 2000 personnes. J’ai démissionné sur un coup de tête.”
Août 2014 : Florian rejoint Oscaro en remote
Finalement, Florian atterrit chez Oscaro, une entreprise qui fabrique des pièces de voitures depuis 2003, et compte environ 800 collaborateurs.
“Parce que je faisais des conférences, le CTO d’Oscaro me connaissait. Quand il a su que j’avais démissionné, il m’a proposé de rejoindre Oscaro en remote. Il savait que j’habitais à Rennes et qu’eux n’avaient que des bureaux à Paris. Il savait aussi qu’il ne trouverait pas ce niveau de compétences rapidement. D’ailleurs, j’ai été la dernière personne recrutée avec ce nombre d’années d’expérience.”
A sa connaissance, une dizaine de personnes -dont Florian et trois autres développeurs- y travaillent en remote ou télétravail partiel (depuis la France). Tous les collaborateurs sont autorisés à faire un jour de télétravail par semaine.
Florian choisit le plus offrant entre deux entreprises
Florian avait déjà entendu parler du remote. Il avait rencontré des personnes freelances à Paris, en région parisienne, puis à Rennes, qui ne travaillaient pas chez le client mais chez eux. Il avait aussi lu des témoignages via des blogs. “Ca m’a inspiré. Je me suis dit “C’est cool, ça existe.””
Le CTO d’Oscaro n’était pas le seul à avoir proposé un travail en remote à Florian. Mais il a choisi d’aller chez le plus offrant.
“Une autre boîte que j’avais abordée était partante mais elle ne prenait que la moitié de mes déplacements à charge, pour le même salaire que celui proposé par Oscaro. En plus, ce n’était pas réellement du remote puisqu’ils voulaient que je vienne dans les bureaux trois jours par semaine. Alors que chez Oscaro, ils étaient prêts à me voir une fois toutes les deux semaines.”
Il trouve l’opportunité intéressante chez Oscaro pour le volume de données et les gens
Au-delà de ce qui l’a fait choisir entre deux offres, Florian était intrinsèquement intéressé par Oscaro. Pas parce qu’il aime les voitures (d’ailleurs, il n’a pas le permis), mais parce qu’il trouve le volume de données intéressant pour se régaler dans son travail. Et le poste lui permettait de découvrir le e-commerce, qui l’attirait. “D’un site web à l’autre, tu retrouves des pattern (des modèles qui reviennent) et je voulais les appliquer au e-commerce. L’envie de rejoindre ce poste, c’était donc avant tout une attirance pour l’aspect technique et le fait que j’étais autorisé à travailler en télétravail.”
Florian connaissait aussi déjà des personnes au sein de l’entreprise. Comme il les aimait bien, il savait déjà que ça l’intéressait de travailler avec eux.
Son contrat indique que son lieu de travail officiel est chez lui
“Dans mon contrat, il est indiqué que mon lieu de travail est chez moi, mais que mon bureau de rattachement est le bureau principal d’Oscaro.com (à Paris, boulevard Haussmann).”
Florian me précise que la prise en compte de ce mode de travail est différente selon qu’on fait du télétravail partiel ou total. “Il ne faut pas confondre avec le télétravail ponctuel pour lequel le contrat de travail doit le prévoir à l’avance, en indiquant en une ligne que ça peut être possible, un nombre maximum de jours par mois.”
Sa rémunération est à peine indexée sur le lieu de vie
Parfois, cet aspect peut être un argument pour l’employeur : si on vit et travaille dans une ville où le coût de la vie est moins élevé, l’employeur peut ajuster le salaire du travailleur remote, et ainsi faire des économies.
Mais ce n’est visiblement pas le choix qu’Oscaro a fait. Selon Florian, c’est surtout son diplôme (DUT) qui influence le montant de son salaire. “On me paye tous mes déplacements et mes nuits d’hôtels, mais j’ai un salaire de 2 000 ou 3 000€ de moins par an que ceux qui ont un diplôme plus élevé. En France, les responsables des ressources humaines pensent trop diplôme. Mais ça reste un excellent salaire pour Rennes”.
Mi-2016 : un changement de poste lui donne encore plus de liberté
Comme un bon vin, la vie de Florian s’est améliorée au fil du temps chez Oscaro. “Au début, j’avais des contraintes. J’avais une réunion tous les matins à 10h15 par vidéo conférence.”
Ca, c’était à l’époque où il travaillait en équipe (avec une dizaine de collègues). En tant que développeur, il devait faire en sorte que les pièces compatibles avec la voiture sélectionnée par l’internaute s’affichent bien sur le site.
Depuis, il a changé de poste et gère le service de stockage des données personnelles des clients qui créent des comptes utilisateurs sur le site (nom, prénom, adresses email, numéros de téléphone, adresse postale). Oscaro détient plusieurs sites et chacun de ces sites envoie les données vers ce service de stockage.
“Si un utilisateur se crée un compte, ou s’il veut mettre à jour ses données, ou si la CNIL nous demande quelque chose, c’est mon application qui s’assure que les données personnelles soient bien gérées.”
D’autres services d’Oscaro peuvent avoir besoin d’obtenir certaines informations sur les clients. Ils peuvent alors demander à Florian et son équipe de les leur fournir. “Aujourd’hui, je suis plutôt dans une relation “client/fournisseur” pour mes collègues. Je leur fournis un service. Ils me disent de quelle information ils ont besoin pour faire évoluer la base de donnée des clients, et je leur fournis. Par exemple, quand Oscaro a ouvert au Portugal, il fallait pouvoir stocker le numéro fiscal des utilisateurs, pour respecter les contraintes légales du Portugal.”
En plus de ce changement de poste, l’entreprise a déménagé de Genevilliers aux boulevards Haussmann à Paris intra-muros. Quand il devait se rendre à Genevilliers, il faisait un trajet de 1h15 (Montparnasse-Genevilliers) puis 10 minutes à pied, en plus du trajet Rennes-Paris (2h). Maintenant que les bureaux sont à Haussmann, Florian met beaucoup moins de temps lorsqu’il rend visite à ses collègues.
L’organisation de travailleur remote de Florian Strzelecki aujourd’hui
Florian vit, travaille, et joue (aux jeux vidéos) dans son salon
Florian a fait le choix de travailler depuis chez lui, et pas depuis un espace de coworking par exemple.
“Je suis très solitaire. Quand j’étais au chômage, c’était difficile d’être tout seul tout le temps à cause de l’absence d’activité. Mais en télétravail j’ai des objectifs et des motivations extérieures. Comme je fonctionne très bien tout seul, je peux bosser tout seul chez moi. Parfois j’ai fait du coworking mais c’était plus pour faire plaisir à un pote que par nécessité.”
Le plus gros avantage à travailler depuis chez lui est que ça lui permet de jouer aux jeux vidéos, une passion pour lui. Il a aménagé son espace pour être à l’aise à la fois pour travailler et pour jouer aux jeux vidéos.
“Je suis passionné, ça explique beaucoup de choses. J’adore les jeux vidéos donc j’ai un PC très puissant, un fauteuil ergonomique, cher mais confortable. Je passe 8 à 16h par jour sur l’ordinateur. Je vis, travaille, et joue dans mon salon.”
Florian vit en couple (sans enfants) dans un appartement dont il est propriétaire. Pour lui, c’est idéal, car il a tout à disposition et peut faire ce qu’il veut. “La recherche de libération des contraintes est une de mes motivations principales. J’ai un bureau d’1m50 de long, avec mon ordinateur portable sur le côté, tout à gauche ; la cuisine juste à côté pour me resservir en nourriture et thé ; la musique que je veux, à l’heure que je veux, au niveau sonore que je veux.”
Quand je demande à Florian s’il ne se sent pas isolé dans cette situation, il me répond que non, même s’il pense que ça pourrait et va sûrement arriver. Il se rappelle d’ailleurs un épisode où il a raté l’opportunité de travailler sur un projet intéressant : “Une fois, deux collègues ont eu envie de regarder ce qui se passait sur un coin de la boîte. Ils ont vu qu’il y avait un prototype à faire. C’est un domaine qui m’intéresse mais j’étais pas là. Ils ont lancé le prototype sans que j’aie l’information qu’ils travaillaient dessus. J’aurais aimé être là pour pouvoir participer au projet, mais c’est pas grave.”
Sa plus grande liberté de travailleur remote : choisir quand il travaille
Florian ne peut pas me décrire une journée-type. Et pour cause, son organisation change selon ses besoins, et ceux-ci changent tous les jours. Même si globalement il travaille de 10h à 18h, son planning peut changer.
“Si je suis fatigué, je vais me lever à 10h. Mais certains jours je vais me lever à 7h car le soleil m’aura réveillé par la fenêtre, je vais être frais, travailler et m’arrêter vers 15h. En principe, le soir je fais du sport donc je vais arrêter de travailler plus tôt. On peut dire que mon organisation est surtout orientée sur le fait de choisir le moment où je travaille.”
Il s’autorise également à partir faire autre chose en plein milieu de la journée. “S’il y a une urgence, je sais qu’on va m’appeler. Donc si j’ai pas envie d’être devant mon ordinateur pendant une heure, c’est pas grave, car on m’appellera sur mon téléphone, ce qui est arrivé trois fois en trois ans.”
Une organisation souple mais avec des rituels
Malgré la flexibilité que Florian se donne pour choisir ses horaires, il s’est créé des rituels pour bien séparer sa vie professionnelle de sa vie personnelle :
- “Le moment où j’allume mon ordinateur, c’est le moment où je commence à travailler, où mentalement “j’entre au travail”. Donc je choisis bien le moment où je l’allume.”
- “Quand j’éteins le tchat interne de la boîte, c’est que je ne veux pas être dérangé pour autre chose que pour des urgences.”
- “Et quand j’éteins mon ordinateur portable, je considère que je ne suis plus au travail, donc je ne lis plus mes mails.”
Quelques contraintes externes persistent
Malgré sa grande liberté, Florian doit quand même répondre de certaines contraintes externes.
Pour son entreprise, tous les lundi, il doit saisir ce qu’il a fait la semaine passée. C’est nécessaire pour que l’entreprise puisse bénéficier du crédit impôt recherche, qui réduit le coût des impôts des entreprises si elles font de la recherche et développement.
Il y a aussi certaines réunions prévues à l’avance, et des besoins ponctuels auxquels il doit répondre rapidement.
Sa compagne lui demande également de manger ensemble, “alors que moi je peux manger à n’importe quel moment, mais ça reste un bon compromis.”
Pour communiquer avec son équipe, il utilise un outil open source gratuit
Beaucoup d’équipes en remote utilisent Slack. L’équipe d’Oscaro, elle, a opté pour MatterMost, un équivalent de Slack mais opensource, et donc gratuit. L’équipe infrastructure d’Oscaro l’a installé et c’est donc hébergé directement en interne à Oscaro. L’installation par l’équipe génère un coût d’hébergement et de main-d’oeuvre. Mais ces coûts ont tendance à disparaître plus ou moins sur la durée (grâce à l’automatisation des tâches de maintenance).
Top 6 des avantages du remote selon Florian
#6 Le remote ouvre la porte à des boulots hors de sa zone géographique
“Tu touches un marché du travail beaucoup plus grand en remote. Tu peux trouver des employeurs hors de ta zone géographique”.
#5 Confort
“C’est un confort physique :
- tout avoir sur mon bureau
- travailler en chaussons ou en petite tenue
- ne pas avoir froid l’hiver en costard
“Je grignote beaucoup et je bois beaucoup de thé glacé et de Rooibos froid (c’est très bon et ça n’empêche pas de dormir comme le thé). J’apprécie de ne pas devoir aller à la machine à café toutes les 5 minutes.
“Je suis aussi un grand militant de l’acceptation de la saleté. Quand on est une grosse patate, qu’on n’a pas envie de prendre sa douche et qu’on prévoit pas de sortir, on la prend pas tout de suite, c’est pas grave, on la prendra plus tard.”
#4 Relations de confiance et responsabilisation
Le remote permet de mettre en place des relations de confiance :
“Plus personne ne peut vérifier que je fais du présentiel. Du coup mon travail n’est plus jugé sur temps que je passe au bureau mais sur mon travail. J’ai de la chance car je ne suis jugé qu’à la satisfaction de mes clients. Le télétravail total dissout la hiérarchie car tu n’es plus jugé sur temps de présence (ton manager qui te voit) mais tes résultats. Je fais pas juste le petit soldat à aller au bureau et repartir. Mon employeur est forcé de m’accorder sa confiance sur la qualité de mon travail, ma façon d’employer le temps pour l’entreprise.”
Et responsabilise et valorise les personnes qui travaillent en remote :
“Je suis responsabilisé. Si tu es fliqué au niveau de ton temps, c’est de l’infantilisation. En remote, ça amène une confiance : tu es responsable de toi-même, tu es un adulte, un être humain à part entière. Tu es jugé sur ta capacité à faire quelque chose pour ce salaire. Je trouve ça valorisant.”
#3 Terminé le temps mort dans les transports et la pollution
Comme il travaille depuis chez lui, Florian ne prend plus du tout les transports pour aller travailler.
“Je n’ai plus à subir la pollution des voitures, à perdre du temps dans les transports en commun. Je n’ai plus ce temps mort.”
#2 Liberté sur l’emploi du temps
“Ma liberté n’est pas totale, mais si je veux aller faire des courses, j’ai pas besoin de me dépêcher d’aller au travail tôt le matin pour le soir partir plus tôt et arriver au magasin avant qu’il ferme. Et puis je ne mets pas de réveil le matin, et ça, c’est l’expression ultime de la liberté.”
#1 Le remote, un mode de travail qui s’adapte aux besoins de chacun
L’avantage le plus important selon Florian, c’est que le remote permet à chacun d’adapter son travail à ses besoins. Lui a opté pour sa propre organisation en fonction de ses besoins, mais quelqu’un d’autre en remote pourra opter pour une organisation tout autre. Et le pourra car c’est exactement la liberté accordée par le travail en remote.
Top 4 des difficultés rencontrées en remote par Florian et des remèdes qu’il leur a trouvées
Difficulté #4 : Travailler chez soi quand son conjoint est en vacances à la maison
“Quand ton conjoint est en vacances/RTT et que toi tu ne l’es pas, c’est très difficile de travailler. La présence de quelqu’un d’autre impose des contraintes. Physiques (bruit) ou psychologiques (on va pas se permettre certaines choses car on se dit qu’on est en présence de quelqu’un d’autre).”
Les trois remèdes de Florian face à la difficulté #4
Florian a opté pour trois “règles de jeu” pour améliorer ces périodes-là avec sa compagne :
- Communiquer avec sa partenaire
- S’accorder sur le planning
- Respecter l’espace de travail & de jeu
“L’important avec son conjoint, c’est de communiquer : quand j’ai vraiment besoin de calme et de concentration, et quand je peux être plus disponible ; il faut faire comprendre ses besoins, et comprendre ceux de son ou sa partenaire.
“J’ai pu trouver des compromis avec ma compagne : on ne fait pas le grand ménage quand je travaille (trop de bruit), et elle fait des activités dans une autre pièce (moins de distractions). En contrepartie, je travaille moins longtemps ces journées là, j’organise mon travail à l’avance et j’évite au maximum les réunions.
Difficulté #3 : Le mode “patate” et la procrastination
Quand j’ai demandé à Florian si ça lui arrivait de procrastiner et ce qu’il faisait pour l’éviter, il m’a présenté sa philosophie : non seulement ça lui arrive de procrastiner, mais en plus il a décidé de l’accepter.
Le remède numéro 1 de Florian contre la difficulté #3 : ne pas se culpabiliser
“Oui, je procrastine parfois, mais je ne l’évite pas. J’ai accepté y a un an et demi qu’il y a des semaines où je ne travaillerais pas assez. Parfois t’es en mode « patate »: tu te lèves, t’as pas envie, tu fais tout pour rien faire, tu te couches, t’es fatigué, t’as rien fait de ta vie. C’est cliché et réducteur, mais c’est l’impression qu’on a sur le moment.
“Mais si tu prends sur un mois, c’est pas une journée de procrastination et une journée de rush qui importent. Ce qui compte, c’est d’arriver à produire quelque chose de qualité, qui répond aux besoins.
“C’est pas joyeux mais je sais que si je l’accepte, si je ne me culpabilise pas, je vais mieux rebondir. Il faut être honnête avec soi-même pour voir quand on procrastine et quand on est fainéant. Je n’en repars que de plus belle ensuite.”
Le remède numéro 2 de Florian contre la difficulté #3 : des objectifs clairs
“C’est plus facile de travailler quand j’ai des objectifs très clairs. Quand quelqu’un trouve un bug, c’est beaucoup plus facile d’être motivé sur l’instant que de suivre une feuille de route.
“J’ai deux modes de fonctionnement :
- Quotidien : j’accepte que de temps en temps je ne vais pas être efficace. Je compense avec des jours où je ne compte pas mes heures.
- Besoin immédiat : si quelqu’un pose une question sur le tchat, je prends le sujet en question, j’y réfléchis et je produis en 2h beaucoup plus que le reste de ma journée. Je sais exactement ce que je dois faire car j’ai bien compris le problème, donc je peux commencer à réfléchir à une solution. C’est plus difficile de résoudre un problème global. Ca amène du flottement, de l’incertitude. Donc ça amène la procrastination.”
Difficulté #2 : Tisser des liens et travailler avec une équipe qui n’a pas entièrement adopté le remote
Même si Oscaro a autorisé le remote pour Florian, tout le monde ne fonctionne pas comme ça et ça peut devenir difficile de travailler avec ses collègues. “Quand l’entreprise n’est pas adaptée au remote, ça peut être un calvaire. Il y a eu des phases à Oscaro où ça a été difficile.”
Difficile aussi de tisser des liens :
“Je ne me rappelle pas des prénoms de tout le monde. Parfois c’est difficile de mettre un visage sur quelqu’un. Si je les voyais tous les jours, ce serait plus facile. “
Le remède de Florian contre la difficulté #2 : revenir à Paris physiquement pour tisser des liens
Pour satisfaire le besoin de lien physique de certains de ses collègues, qui ne s’adaptent pas au fonctionnement en remote de Florian, il se rend à Paris toutes les deux à quatre semaines. Il en profite pour déjeuner avec des collègues, si possible des groupes différents à chaque fois.
“J’essaye de tisser ce lien que j’ai pas avec la distance.”
Difficulté #1 : Difficultés de communication
Les problèmes de communication sont monnaie courante dans nombre d’entreprises. Mais le remote ajoute trois difficultés :
- Les phases “tunnel” : on parle de phase “tunnel” quand quelqu’un travaille non-stop sur un sujet pendant un certain temps et ne laisse pas la communication passer, ni de lui vers les autres, ni des autres vers lui. Autrement dit, c’est un travailleur qui s’enferme et ne communique pas. Certains travailleurs font ça pour se concentrer et avancer plus rapidement sur leur travail. Le revers de la médaille de cette attitude est que l‘on rate l’opportunité d’obtenir des informations ou des retours intéressants de ses collègues. Et en remote, personne ne peut venir nous voir à notre bureau, donc difficile de faire sortir le travailleur de sa phase tunnel.
“C’est dangereux les phases tunnel car on s’enferme. On s’isole dans une problématique où on pense avoir la solution mais on ne laisse pas la chance aux autres d’apporter une solution. En plus en remote, il n’y a pas de moment “machine à café” où il y a confrontation des idées.
“Il y a eu mes phases tunnel à moi et les phases tunnel de l’équipe sur place qui ne communiquait pas avec moi. Ça a été assez problématique. Par exemple, un collègue avait apporté des modifications sans qu’on soit au courant, et sans récolter nos retours. Il y a eu perte de compréhension mutuelle.”
-
Les interprétations négatives : “Certains vont faire de l’humour, de l’ironie, d’autres non. On n’est pas tous égaux sur l’interprétation du ton. Ca peut amener des quiproquos.”
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Pas de conversations de couloir : “Avec l’expérience, on se rend compte qu’il y a beaucoup de problèmes qu’on peut résoudre avec des conversations de couloir”, ce qui n’est pas possible en remote, puisqu’on est à distance, donc on ne peut pas se croiser dans le couloir.
Le remède de Florian contre la difficulté #1 : être proactif dans sa communication
La clé de Florian est d’être proactif dans sa communication : “Je communique beaucoup. A chaque fois que je résous un bug, en plus de le valider via notre outil, je dis « Voilà où j’en suis. J’ai terminé tel “ticket”, ce sera déployé à telle date, à telle heure. ».
“Ou bien, en phase d’analyse, je dis ce que j’ai découvert. Si j’ai une question, je leur dis “je vous en parle, mais je cherche la réponse.” Ca permet aux autres de comprendre ce que je fais. J’essaye de ne pas être en mode tunnel. Cette communication écrite que je fais au quotidien, elle permet aux autres d’intervenir quand ils ont envie. Par exemple, quand ils ont 15 minutes avant la prochaine réunion.”
Les 7 conseils de Florian pour bien travailler en remote
#1 Etre capable de travailler tout seul
“Il faut être capable de travailler tout seul. Je ne le recommande pas à quelqu’un qui a besoin d’un manager et d’aller au bureau. J’ai un collègue comme ça qui bosse très bien mais qui a besoin d’un bureau avec des gens autour, et que son chef soit pas très loin, pour le rassurer et répondre à ses besoins.”
#2 Etablir des rituels
“Il faut établir des rituels pour entrer et sortir du travail, car il n’y a plus la séparation physique ni le temps de transport, entre ton lieu de travail et chez toi.”
#3 Etre honnête avec soi-même
“Il faut être honnête avec soi-même : comprendre comment on fonctionne, accepter ses forces et ses faiblesses, travailler sur ses faiblesses.”
#4 Communiquer sur son travail
“Il ne faut pas attendre que quelqu’un d’autre te demande ce que tu fais pour parler de ce que tu fais. Les gens ne te voient pas arriver, partir, courir en réunion…Donc il faut communiquer sur son travail. Presque faire du marketing sur sa personne et son travail.
“J’ai des collègues qui ont besoin de finir leur travail pour en parler. Il faut être prêt à dépasser ça.”
#5 Pour une bonne transition, se poser des questions en amont et apprendre à se connaître
“Avant de se lancer dans le remote, il faut commencer par être clair avec soi-même, être prêt à faire un examen de conscience : est-ce que je suis prêt à être honnête avec moi-même ? A accepter mes défauts ? A communiquer sur mon travail ? A aménager mon espace ?
“Si quelqu’un n’a pas la place chez lui, il faut qu’il trouve un bureau. Pas bosser sur le lit, ou le canapé. C’est important de se créer un espace car mentalement on se dit « Là je vais travailler, c’est sérieux”. Se créer un cadre pour savoir quand on l’enfreint.
“On peut se permettre de travailler où on veut à partir du moment où on se connaît bien.”
#6 Pour une transition en douceur, commencer par du télétravail partiel
“Il ne faut pas hésiter à commencer en douceur, à faire du télétravail partiel, pour voir ce qui nous plaît ou pas.”
#7 Eviter de communiquer via les outils personnels pour respecter sa vie privée
“Si vous avez du mal à fonctionner à l’écrit, il vaut mieux demander un téléphone professionnel. Mais il ne faut pas communiquer sur les outils personnels. Ou bien seulement avec quelques personnes bien choisies qui vont respecter la vie privée des gens.”
Conclusion
Pour terminer, j’ai demandé à Florian quelle note il donnerait à son épanouissement au travail : “Si on prend le télétravail, indépendamment de l’entreprise, c’est 9. Mais il y a certains moments de flottement chez Oscaro, donc si j’inclus l’entreprise, c’est 7.”
Je trouve que cette remarque illustre très bien le fait que le travail en remote peut apporter de l’épanouissement, mais qu’il ne se suffit pas à lui-même. D’autres critères entrent en jeu : l’entreprise, les collègues, les compétences mobilisées, la cause poursuivie…
Florian montre aussi que, même dans un mode de travail où on a beaucoup de liberté, on a toujours certaines contraintes. C’est le propre de la vie professionnelle. Quelqu’un m’avait dit une fois “La différence entre exercer une activité de façon amateur et de façon professionnelle, c’est que quand on est professionnel, on doit se forcer à faire certaines choses dans certains délais de temps”.
Quel que soit le mode de travail qu’on choisit, on aura toujours des contraintes. Mais il y a des contraintes avec lesquelles on peut plus facilement vivre que d’autres dans la vie professionnelle. De la même manière qu’il y a des défauts qu’on peut être prêt à accepter plus facilement que d’autres chez son conjoint.
Florian montre que le remote apporte la liberté d’organiser sa vie professionnelle autour de ses besoins personnels. C’est grâce à ça qu’on peut venir à bout de certaines contraintes et causes de stress que l’on ne supporte pas (métro bondé, pollution, horaires fixes…). Et en échange, on accepte certaines contraintes comme le fait de devoir communiquer de façon proactive, de devoir se déplacer de temps en temps pour voir ses collègues, ou de rater certains projets car on n’est pas sur place.
Une réflexion au sujet de « En Remote chez Oscaro | Témoignage de Florian Strzelecki »