Cet article est un article invité écrit par Caroline Hummel, une lectrice du blog devenue Rédactrice Web.
Les nouvelles formes de travail se multiplient et attirent de jour en jour plus d’adeptes. Mais une population en particulier semble déserter les entreprises et chercher à voler de ses propres ailes. Il s’agit du fameux surdoué (ou zèbre, ou encore HP). Parfois trop différent, trop créatif, « trop », tout simplement, pour se fondre dans la masse, il emprunte les chemins de traverse. Mais quelles sont les alternatives qui s’offrent alors à lui ? Et pourquoi le HP est-il plus à l’aise hors des sentiers battus ?
Connaissez-vous l’histoire du recrutement de Mermoz au sein de l’Aéropostale ? Pilote surdoué, lorsqu’il fut convié à effectuer un test de pilotage aux commandes d’un avion d’essai, il enchaîna des figures d’acrobatie toutes plus remarquables les unes que les autres, coupant le souffle aux spectateurs restés au sol. Dépassant de loin ce qu’on attendait de lui, et ne respectant pas la consigne, il fut recalé dès son retour sur le plancher des vaches. Le recruteur souhaitait embaucher un pilote, pas nécessairement un pilote surdoué. Cependant, après quelques minutes de réflexion, il se ravisa et proposa à Jean Mermoz de repasser le test, en insistant bien pour qu’il respecte les directives à la lettre, cette fois : « Faites un large virage tranquille au-dessus de la colline et venez vous poser devant les hangars » (1). C’est ainsi que Jean Mermoz débuta sa grande aventure au sein de l’Aéropostale. Cette histoire est celle de la plupart des HP, que l’on appelle aussi zèbres ou surdoués.
Les HP, zèbres, surdoués… tentative de définition
Les initiales HP (haut potentiel) désignent aussi bien les surdoués que les très hauts QI, ce qui peut prêter à des confusions parfois malheureuses. Les spécificités des surdoués sont plus liées à leur intelligence émotionnelle très développée qu’à leur intellect brillant : hypersensibilité, empathie, hyperémotivité… Pour s’en référer aux données chiffrées, le HP a un QI supérieur à 130 (cf les tests de QI Wais (2) et Wisc (3)), même s’il y a bien d’autres manières de détecter un surdoué.
Le déficit d’inhibition latente, à savoir le fait de recevoir tous les stimuli extérieurs sans aucun filtre, est une caractéristique très particulière des personnes HP. Un cerveau qui n’en souffre pas mettra de côté « les informations cognitives superflues », le HP, lui, percevra tout de son environnement et devra trier manuellement les données entrantes.
À cette perception exhaustive des stimuli s’ajoute une sensibilité extrême. Travailler en open space peut être totalement éreintant pour le salarié HP. Il va ressentir très fort les mauvaises intentions, les bonnes aussi heureusement, mais également le mal-être d’autrui, les jeux d’ego, les manipulations, les mensonges, les abus de pouvoir, l’énergie d’une personne ou d’un endroit. Ce qui peut, dans certains cas, le pousser jusqu’au burn-out ou à la dépression. Néanmoins, un HP qui est bien entouré, accepté avec sa différence, pourra s’épanouir et multiplier les relations saines et harmonieuses.
Un risque de burn-out plus élevé
Lorsqu’il aime son travail et a envie de bien faire, notre HP ne sent pas vraiment ses limites et peut se retrouver au bout du rouleau sans avoir prêté attention aux signes avant-coureurs de l’épuisement.
Lors de son arrivée en entreprise, il est possible qu’il ait plus de mal à s’intégrer qu’un individu lambda. Il est perçu comme une boule d’énergie, son regard extrêmement vif, sa tendance à « scanner » les autres et à les analyser, sa manière de se jeter dans des conversations extrêmement profondes à tout moment, peuvent irriter ses collègues et l’empêcher de faire sa place au sein d’une équipe.
Avec son besoin de mettre du sens dans tout, il perçoit les systèmes et leurs moindres failles. Son intelligence en arborescence lui permet de « voir » les défauts d’un projet bien en amont de sa réalisation, ce qui suscite souvent l’agacement. Il travaille vite et en profondeur. Il a un grand sens des valeurs et, pour lui, se plier à des règles qu’il ne comprend pas est au-dessus de ses forces.
Les nouvelles formes de travail et le HP
Le HP est un albatros en entreprise. Il peut être la proie des pervers et des petits chefs. Il a beau essayer de se faire tout petit, ses « ailes » sont perçues et suscitent de la jalousie. Il a beau chercher à se diminuer, les autres sentent…
Il aime gérer son temps selon son propre rythme. Il peut être en très grande forme certains jours et abattre un travail de titan, et ne pas faire grand-chose le lendemain, car il ne le « sent » pas. Il ne fait pas les choses parce qu’il faut… jamais… ça ne veut rien dire pour lui. Il fait les choses uniquement par amour et parce que ça a du sens. Autant dire que moins la structure qui l’accueille est normée et normative, plus il va se sentir à son aise. Découvrons ensemble ces autres possibilités qui s’offrent aux HP en quête d’indépendance…
Le digital nomade
Le digital nomade exerce une activité qui lui permet de voyager et de s’organiser comme il l’entend. Se discipliner suffisamment pour faire son travail, tout en profitant de son voyage peut néanmoins se révéler compliqué. Il existe suffisamment de témoignages de blogueurs nomades sur le Web qui le prouvent. Ce mode de fonctionnement peut tout à fait correspondre au HP, car c’est hors des contraintes un peu répétitives qu’il va donner son maximum, se déployer et s’épanouir. En effet, mû par la passion, il n’aura aucun mal à se structurer pour accomplir sa tâche tout en voyageant.
Slasheur
Le cerveau en arborescence du HP peut le conduire à avoir plusieurs passions différentes à satisfaire. Il n’est pas rare qu’il soit en train d’écrire un roman, qu’il finisse son master en psychologie, tout en lisant 3 à 5 livres en même temps, et qu’il joue aussi dans un groupe de rock. Le HP a besoin d’être nourri en permanence. Il aime apprendre, il a une soif inextinguible de connaissances et il a besoin de progresser et d’évoluer en permanence. L’ennemi étant pour lui l’ennui, il prendra grand plaisir à passer d’une activité à l’autre constamment. C’est pour lui la voie de l’épanouissement et un antidote à la frustration. Capable de passer constamment, d’un sujet à l’autre et d’un projet à l’autre, il n’aura aucun mal à jongler entre plusieurs activités.
Remote
Le travail en remote, avec son goût d’indépendance et de liberté, tout en offrant la sécurité du salariat peut paraître un compromis idéal dans certains cas. Lorsque le HP a trouvé sa tribu, il peut avoir envie d’être membre à part entière d’une organisation. Il a été accepté comme il était avec tout ce « trop » et ces extravagances, son besoin d’indépendance et d’inclusion tout à la fois. Le remote peut alors se révéler être la bonne distance. Maintenir un contact éloigné tout en étant virtuellement là, et avoir un sentiment d’appartenance au sein d’une structure pourrait bien être la formule idéale pour un surdoué. Trop stimulé dans les open space, souffrant du fameux déficit d’inhibition latente (voir plus haut), le travail en remote pourrait tout simplement représenter pour un salarié HP le statut idéal.
Freelance
Être freelance, c’est être libre de tout fil à la patte. Je crée mes horaires, je choisis mes clients, je travaille selon mes valeurs, selon mon rythme, je peux tenir compte de mon envie de travailler ou non tel jour et m’y mettre le lendemain. Je peux orienter mon démarchage selon mes centres d’intérêt et mes valeurs, refuser des clients qui ne me correspondent pas, et développer des relations plus profondes avec ceux que je choisis. Cette situation de grande indépendance permettra au HP de créer des liens privilégiés avec les membres de son écosystème, d’évoluer en toute sérénité au sein de ce « cocon » qu’il s’est créé, et de progresser au sein d’un système qui correspond à ses valeurs.
Et pourquoi pas une forme de salariat flexible ?
Si le HP a trouvé des personnes avec qui il souhaite collaborer, s’il a trouvé un supérieur hiérarchique qu’il estime et respecte, qui est prêt à manager avec souplesse, c’est une collaboration gagnante. Car un surdoué qui se sent bien vous donnera toute sa gratitude, sa créativité et son énorme force de travail. Il vous aidera à naviguer entre les écueils, et, souvent visionnaire, vous poussera, certes, à la remise en question, mais pour le plus grand bien de tous.
Et enfin, l’entrepreneuriat
L’entrepreneuriat, forme de travail beaucoup plus ancienne, est l’apanage des individus qui portent une vision. Les HP ont souvent un rêve, une volonté de développer une réponse toute personnelle à certaines inégalités ou injustices, une solution à proposer, une envie, en somme de rendre le monde meilleur. Par conséquent, être à l’origine d’une activité économique qui défend un idéal pourrait être une vraie vocation. La prise de risque est plus grande, mais un surdoué qui a une vision est quasiment invincible. Et il pourra, grâce à sa connaissance des systèmes et à son instinct extrêmement développé, faire sa place, à sa manière.
L’intégration d’un surdoué en entreprise est possible, mais pas systématiquement réussie, et parfois source d’une grande souffrance. Heureusement, des voies alternatives existent, qui permettent au HP de créer son activité à son image. Son grand besoin d’indépendance, sa curiosité inextinguible, son besoin de flexibilité, tous ces ingrédients pourront être mixés de manière très personnelle, lui permettant de créer ainsi l’emploi dans lequel il pourra évoluer et grandir. Ayant souvent des idées très en avance sur son temps, il aura ainsi tout loisir d’inventer un monde qui lui ressemble, en accord avec ses valeurs les plus hautes.
Quelques ressources pour en savoir plus sur les HP
Voici une sélection de livres sur le sujet pour aller plus loin :
- Je pense trop : comment canaliser ce mental envahissant ?
- Trop intelligent pour être heureux ? L’adulte surdoué
- L’Adulte surdoué : Apprendre à faire simple quand on est compliqué
- Le secret du surdoué
Sources et notes :
1 « Quelle place dans les organisations pour les surdoués ? », Dominic Drillon et Georges Botet-Pradeilles, Dans Humanisme et Entreprise 2014/2 (n° 317), pages 1 à 19
2 Wais (abréviation de l’américain Wechsler Adult Intelligence Scale) : échelle d’intelligence pour adultes, mise au point en 1955 par le psychologue américain David Wechsler, qui travaillait au Bellevue Hospital de New York, et comportant des tests verbaux et des tests de performance. (Définition du Larousse)
3 Wisc (abréviation de Wechsler Intelligence Scale for Children) : échelle destinée à mesurer l’intelligence des enfants, due à D. Wechsler (1949).
7 réflexions au sujet de « Pourquoi les Hauts Potentiels sont-ils particulièrement à l’aise avec les nouvelles formes de travail ? »
Très intéressant ! Je ne sais pas si je suis HP (je n’ai pas fait de tests de QI etc) mais je dois avouer que je suis reconnue dans la description surtout au travail, en entreprise « classique »… Ne pas pouvoir être soi-même pour ne pas « déborder » et mettre les autres mal à l’aise, donc s’écraser, et se le voir reproché par la suite, par exemple… Je suis de plus en plus attirée par le travail en remote ou carrément freelance pour toutes les raisons listées dans l’article !
Vu sous cet angle les différents modes de travail dont tu parles résonnent davantage en moi !
Bonjour et tout d’abord merci de nous avoir décrit tel que nous sommes sans jugement avec bienveillance,ça fait du bien à lire. je rajouterai juste pour mon cas que je suis dyslexique + dyscalculique + TDAH Appelé également philo cognitif complexe Et au Canada Twice Exceptionnal (sans aucune prétention de ma part loin de là). J’ai appris tout ça sur le tard à 43 ans Suite à un burn out , je suis toujours en quête d’identité et d’harmonie intérieure. J’espère que votre article que j’ai partagé pourra ouvrir les esprits et que personne n’est linéaire totalement et que la diversité de la curiosité est pour nous une stimulation afin de se sentir vivant. 1000 fois merci
Pour compléter la liste, je recommande les métiers autour de l’innovation, qui permettent de solliciter tout son potentiel, avec en général un management qui accueille naturellement cette personnalité.
j’ai découvert ça il y à presque 2 ans et je parcours toujours et encore le net à la recherche d’une réponse. tout les point aborder sur le descriptif d’un surdoué est présent et fortement sur les centaine d’article et vidéo que j’ai pus regardé et lire. après presque 2ans je sais au fond de moi que je le suis mais toujours cette petite voie qui me dit « tu es peut être TDA, ou autiste » mais le pire c’est que quand je vais chercher des réponse à ces sujets, ça ne colle pas trop.
Bonjour Sayokhan,
Peut-être peux-tu passer par le diganostic d’un professionnel si tu ressens le besoin d’être fixé ?