Prendre un congé sabbatique pour explorer ses différents slashs, c’est ce qu’Y-Lan a décidé de faire en 2018. Passer 100% de son temps sur ce qu’elle aime le plus et lui permet d’accomplir sa mission personnelle.
Si tu ne sais pas ce qu’est une Slasheuse, je t’invite à lire la définition du Slasheur.
Pour toi, ça veut dire quoi slasher ?
Plusieurs activités en parallèle
J’ai lu pas mal de trucs dessus, mais je ne suis pas toujours d’accord avec les définitions. Pour certains, c’est faire une activité, puis une autre, puis une autre. Pour moi c’est plutôt avoir de multiples activités en parallèle. Il peut m’arriver de mettre entre parenthèses une des activités. Mais pour autant ça fait partie de moi. Je suis toutes ces choses.
Des activités professionnalisées
Pour moi, être slasheur, c’est avoir des activités qui ne sont pas que des hobbies. Il y a un côté professionnalisation. Mais pas un temps plein non plus, puisqu’on découpe son temps entre différentes activités. “Je collectionne les timbres”, ou “Je fais 1h de guitare par semaine”, c’est avoir des hobbies, pas être slasheur.
Des projets long terme derrière les activités
Pour moi, il y a aussi des objectifs, un projet derrière l’activité. Par exemple, c’est différent de dire “Je monte un spectacle de danse” et “Je fais de la danse pour me dépenser”.
Selon toi, faut-il que ces activités soient monétisées pour les considérer comme du Slash ?
C’est difficile car la valeur d’une activité est plus dans l’implication, le temps passé, la qualité du travail, que par la monétisation. Par exemple, si je me dis photographe et que je vis sous un pont parce que je ne vends jamais, j’estime quand même que ça a une valeur parce que je mets mon âme dans mon travail.
Quels sont tes“Slash” à toi ?
Aujourd’hui je suis Photographe / Blogueuse / calligraphe (“letterer” en anglais mais le mot n’existe pas en français) / Chanteuse.
A une époque, la danse orientale et les percussions orientales faisaient très partie de ma vie. C’était un de mes slashs.
Quel temps passes-tu sur chaque Slash ?
Dans une semaine-type :
- 50% sur mon blog de lettering
- 30% Photographie : je fais des shootings, des retouches photo, je mets à jour ma biographie de photographe, j’expose…
- 20% Musique : il faut que je reprenne des cours de guitare et de chant à la rentrée.
- En septembre/octobre, j’ai un peu laissé tomber mon blog lifestyle, mais jusqu’à août je publiais une fois par semaine environ.
Pourquoi t’es-tu lancée dans le blogging professionnel ?
Fin mars 2018, j’ai quitté mon job dans l’informatique. Au départ je voulais devenir photographe. Mais je n’arrivais pas à trouver ma niche et à me démarquer. Je ne savais pas par quoi commencer. Surtout que je fais de la photo de niche mais qui ne paye pas (spectacle, artistique). Je déteste la photo de portrait et de mariage.
J’ai mon blog lifestyle depuis huit ans. Le monde du blogging ne m’est pas inconnu et j’aime bien. Je ne me suis pas dit “Je vais devenir Blogueuse Professionnelle”, mais cet univers me plaît. Quand j’ai vu les pubs d’Olivier Roland pour sa formation Blogueur Pro, je me suis sentie appelée par ça, d’autant que j’adore ses sites et son livre “Tout le monde n’a pas eu la chance de rater ses études”.
Et pourquoi un blog sur le lettering ?
Je naviguais déjà dans le monde artistique et de la création. J’ai une appétence à la création artistique et visuelle. Je dessinais un peu aussi par ailleurs, je fais du DIY, j’ai commencé un bullet journal… Il y avait quelque chose autour de l’écriture, donc ça alliait mon goût pour la lecture, l’écriture, le dessin. J’aime aussi le développement personnel et, avec le lettering, tu peux écrire des phrases inspirantes ou d’affirmation.
Au début je ne m’étais lancée que pour moi. Puis je me suis dit que ce n’était pas mal comme sujet pour créer un blog professionnel.
Comment vois-tu ton activité de photo aujourd’hui ?
Je génère des revenus mais pas un salaire plein. Au lieu de mettre toute mon énergie dans la recherche de shootings photo pour obtenir un seul contrat, je mets mon énergie là où ça va rapporter plus. Se concentrer à temps plein sur une activité sans voir le fruit de son labeur, c’est frustrant.
Que fais-tu en tant que que Chanteuse ?
J’ai fait beaucoup de concerts en bar au chapeau. En ce moment, c’est un peu une période creuse. Avant j’étais dans des groupes (j’étais chanteuse lead). Ca s’est super bien passé avec mon dernier groupe mais je me suis arrêtée quand je suis tombée enceinte il y a trois ans. Depuis, je n’ai pas réussi à reprendre. Entre temps, un autre membre du groupe est parti. J’ai essayé de trouver un autre groupe, mais ça n’a pas collé.
Ma vie de famille a repris le pas, je n’ai pas réussi à remonter un groupe concrètement. L’idée maintenant est de me relancer en solo. Je veux refaire des concerts, enregistrer un CD, écrire des compos, pourquoi pas faire un clip. Mais ça dépend beaucoup des rencontres ça. Je ne suis pas autonome sur le son, je dépends des autres, des musiciens. Quand t’es dans groupe, dès que tu veux jouer quelque part, il faut faire les balances, être tous présents… Ca m’énerve d’être dépendante de plein de gens alors qu’en photo/blogging, je suis autonome et j’aime ça.
Quel est le modèle économique lié à ton Slash ?
Aujourd’hui, je ne gagne pas ma vie. J’ai commencé un congé sabbatique fin mars 2018. Je m’étais préparée psychologiquement et financièrement (avec des économies) à ne pas avoir de salaire pendant une période assez longue. Je ne touche pas d’allocation chômage, mais j’ai fait une demande d’aide financière à la création d’entreprise auprès de mon entreprise : ça m’a permis d’avoir quatre mois de salaires.
Actuellement, je survis d’un mois sur l’autre. J’ai fait des trucs tout bête : j’ai vendu des trucs sur Leboncoin. L’argent, il existe, il il faut aller le chercher. Je suis très adepte des petites sommes qui s’ajoutent. Ce n’était pas mon état d’esprit quand j’étais salariée. Maintenant, je commence à avoir des rentrées d’argent avec la photo, des ateliers de lettering, et des revenus passifs. Je ne suis pas à la rue. Et, si vraiment j’ai besoin, j’ai mon conjoint pour m’aider.
Qu’apprécies-tu dans ce mode de vie de Slasheuse ?
Ne pas s’ennuyer
Le Slash permet de ne pas s’ennuyer. Etre dans une seule activité, c’est impossible pour moi. Avant j’étais chef de projet et j’étais sur de multiples projets, car un seul c’est la panique pour moi.
Quand on a beaucoup d’activités, on rencontre beaucoup de personnes différentes, de milieux différents. Tu peux casser des barrières en slashant. Par exemple, tu peux être médecin (milieu très fermé) et être danseuse orientale et voir un autre univers.
Cumuler de petits salaires
Avec le Slash, je peux cumuler plusieurs petits salaires : 1000€ grâce à la photo, 1000€ grâce au blog, et 1000€ grâce au chant, par exemple.
Être résilient
Le Slash permet de rebondir, d’être résilient. Je ne suis pas très inquiète car si une activité ne marche pas, je me dis que je créerai autre chose. Je suis à fond dans la création de valeur.
Que trouves-tu difficile dans ce mode de vie de slasheuse ?
Ne pas oser se présenter comme Slasheuse
J’ai l’impression que ce n’est pas très bien admis d’avoir plusieurs boulots, tu ne dois pas trop le dire. Si je me présente à des clients comme photographe, je ne vais pas dire je suis aussi chanteuse, calligraphe… Car les gens préfèrent les experts. Ils ont besoin de mettre des étiquettes. Après, avec ceux que tu connais mieux, tu peux avoir des synergies. Par exemple, être photographe d’un spectacle puis proposer une prestation d’autre chose (chant/musique).
Perception des autres
Les gens te voient comme dispersée. D’un autre côté, ils admirent ta capacité à “faire autant de choses”. Moi, je ne me trouve pas exceptionnelle. On a tous le même temps, c’est comment on le remplit et l’organise qui change d’une personne à l’autre. Un exemple concret, je ne regarde ni la télé, ni les séries, ni les films. Calculez donc le temps que vous y passez !
L’impression de n’avoir jamais trouvé sa voie
Je n’ai jamais cherché ma vocation donc je le vis plutôt bien mais certains le vivent mal de ne pas se trouver.
Angoisse existentielle
On aime faire tellement de choses qu’on se dit qu’on n’aura pas assez d’une vie pour tout faire.
Quel est ton fil rouge, ta mission ?
A ce jour, je ne sais pas me pitcher en Slasheuse, je cherche encore le fil rouge entre mes activités. Mais la contribution que j’aimerais apporter au monde serait une transmission autour de l’art et ce que l’art peut apporter dans une vie.
J’essaye de montrer que l’art n’est pas quelque chose d’inutile. J’ai été élevée dans l’idée que j’avais le droit de faire de l’art à côté d’un métier “sérieux”. C’est ce que j’ai fait : une prépa HEC, une école de commerce, puis embauchée tout de suite en CDI. Mais j’avais cette frustration de pas pouvoir m’épanouir dans mes pratiques artistiques par manque de temps.
Je slashais déjà à côté de mon travail de Chef de projet informatique à plein temps. Mais du coup c’était au détriment des autres slashs. Il ne me restait que 10%, 10%,10% pour les autres choses.
Ton épanouissement au travail : quelle note lui donnerais-tu ? Pourquoi ?
Comme je suis au début dans mon aventure entrepreneuriale, avec l’enthousiasme, je suis hyper haute, à 8 ou 9 sur 10. Surtout que j’ai un bon équilibre avec ma vie personnelle. Je ne pourrais pas être beaucoup plus haut que ça dans ma vie. Je suis au top de la forme, faut vraiment que j’en profite !
Il y a juste la musique, j’aimerais en faire plus. Mais, d’avoir pris ce congé sabbatique, j’ai l’impression d’être à plein temps sur tout ce que j’aime faire. Et moins d’être en train de courir après le temps.
J’ai quand même peur. Je redors bien mais, quand j’ai commencé en avril/mai, j’ai eu des problèmes de sommeil. Je n’avais pas encore trouvé l’idée du blog, j’étais à fond sur la photo et ça ne prenait pas. J’avais des sueurs froides, peur de l’avenir. Même si je n’avais pas de regrets, je me disais que peut-être la conclusion ce serait de revenir dans mon ancien job. Maintenant je songe à prolonger mon congé sabbatique (j’ai la possibilité de prendre un congé en création d’entreprise). J’ai encore une vision claire dans ma tête à un an, un an et demi. On verra après ça. Si je retourne dans mon ancien job, j’aurais vécu d’autres choses.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui veut devenir Slasheur ?
Pour moi, on ne devient pas Slasheur, on l’est. Soit par choix parce qu’on aime plein de choses, soit par besoin financier. Je trouverais ça bizarre quelqu’un qui me dise “Je veux être slasheur, donne-moi des conseils”. J’entends plus souvent “je me sens slasheur mais j’ai du mal à m’organiser, comment gères-tu ?”
Mais à quelqu’un qui était dans mon ancienne situation, salarié avec envie d’avoir plus de temps pour ses autres slashs, je dirais : tente ta chance tout en assurant tes arrières. Trouve des solutions. Moi c’était le congé sabbatique, d’autres ça va être la rupture conventionnelle. C’est intéressant de faire un bilan financier, savoir si on a des gens sur qui compter en cas de problème.
Il y a un an, j’ai fait Switch Collective : tu fais un bilan de compétences, tu cherches ce qui fait sens pour toi dans la vie, et rencontre d’autres gens dans la même situation. Je conseillerais à des gens dans cette situation de faire un truc dans ce genre là (un bilan). Pour trouver la solution appliquée à soi.
A ceux qui hésitent à lâcher un boulot sérieux, je dirais : rencontre des gens qui sont dans les métiers de ton slash, ou de faire un stage d’une semaine auprès de la personne, pour ne pas idéaliser une passion qu’on a. Il faut connaître les à-côtés pour être sûr de se lancer.
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Lis l’interview précédente : Julia Blachon, une Slasheuse à 10 000 followers.